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Immemory
11 juin 2013

La source

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Lire est le propre de l'homme. Geneviève Brisac.

"Les enfants possèdent la connaissance dans le ventre de leur mère, dit le Talmud. Le mystère de la vie et le mystère du temps n’ont pas de secrets pour eux. Mais, quand ils viennent au monde, un ange pose un doigt sur leurs lèvres et murmure : « Maintenant, oublie tout ce que tu sais.Tu es sur la Terre pour apprendre, partager, et transmettre, tu es sur la Terre pour demander, et recevoir. »

Regarde et écoute.

C’est ce que disait à son fils la mère de Charlie Chaplin: «Regarde et écoute, il n’existe rien d’autre que cela. »

Regarde et écoute, une autre manière de dire : lis et écris ! Fais confiance aux livres.

Les livres m’ont plusieurs fois sauvé la vie. C’est une longue histoire, c’est mon histoire, elle n’est pas que mienne.

(...)

Pourquoi lisons-nous ? N’est-ce pas dans l’espoir d’une vie plus dense, de journées plus vastes ? Une vie plus dense, plus ronde, des journées plus vastes, plus claires, un monde plus lumineux, un avenir vivable, un passé compréhensible, oui : les livres, lorsqu’ils sont lus par ceux, innombrables, à qui ils sont destinés, sont simplement vivants.

Ils sont la chance que l’on peut saisir, l’ouver- ture inattendue, les autres dans leur impensable mystère. Un espoir. Une force.

Lire, sans cesse, et sans se laisser décourager, dans un monde trop rapide, cacophonique et confus, lesté de bêtise par des injonctions fausse- ment réalistes, n’est-ce pas se donner les moyens de vivre ses rêves et sa vie, en même temps ?

Réaliser ses rêves d’enfant.

J’ajoute – et c’est le secret de mon énergie comme de mon chagrin : écrivain, ce qui signifie pétrie de tant de livres, il y a en moi quelque chose de chacun, aussi ne puis-je jamais m’atta- cher entièrement, ni comprendre la haine. C’est le cadeau empoisonné de la littérature : compren- dre, comme le disait Robert Browning, que jamais personne ne vécut sur cette Terre sans avoir son propre point de vue.

Ne pas comprendre la haine, s’identifier à cha- cun, n’avoir pour soi que sa voix, être vivante, et ne pas craindre de changer l’image que l’on a de soi-même, disait Cassandre.

C’est à cela qu’on reconnaît les amoureux des livres.

La démocratie est depuis toujours menacée dans le domaine des livres, la démocratie du savoir et du goût, les plus difficiles peut-être à défendre, car l’écart tend à se creuser sans cesse et de plus en plus vite, et plus violemment, entre ceux qui écri- vent et ceux qui ne lisent pas, ceux qui n’ont pas appris à lire vraiment. Le commun des lecteurs.

(...)

Comme l’a écrit Grace Paley :

« Les écrivains ont le devoir de se planter au coin de la rue et de distribuer des tracts superbement écrits.

L’écrivain a le devoir de sa paresse.

L’écrivain a le devoir d’entrer et sortir de sa tour d’ivoire.

De sexe masculin, l’écrivain a le devoir d’être une femme.

De sexe féminin, elle a le devoir d’être une femme.

L’écrivain a le devoir de dire la vérité au Pouvoir, selon le précepte des quakers.

L’écrivain a le devoir d’apprendre la vérité auprès des sans-pouvoir.

L’écrivain a le devoir de répéter inlassablement : il n’y a pas de liberté sans justice, il n’y a pas de liberté sans peur ni sans courage, il n’y a pas de liberté si l’on ne préserve pas l’eau, la terre, l’air, les livres et aussi les enfants.

L’écrivain a le devoir d’être femme, de tenir le monde à l’œil, et d’être entendu. »

À quoi j’ajoute modestement (puisqu’elle a dit selon moi l’essentiel) :

La littérature est un fleuve. À sa source, se trou- vent les livres qu’a aimés un enfant.

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