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Immemory
18 mai 2013

(...) Week-end. Le temps de poser. de retrouver

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(...)

Week-end.

Le temps de poser.

de retrouver un peu de temps..

échanger, transmettre, être avec les enfants, les sentir vivre

et puis penser, lire, être là...

celle qui me nourrit ce matin là, c'est encore Etty Hillesum...

"Et puisque désormais libre, je ne veux plus rien posséder, désormais tout m'appartient et ma richesse intérieure est immense. [... ]

Désormais, je vis et je respire par l'«âme». [... ]
Aujourd'hui, à la minute présente, je vis, je vis pleinement, la vie vaut d'être vécu et si j'apprenais que je dois mourir demain, je dirais : dommage, mais je ne regrette rien. [... ]
Ce qui importe en définitive, c'est l'âme, où l'être, comme on voudra, qui rayonne à travers la personne. [... ]

La source vitale doit toujours être la vie elle-même, non une autre personne. Beaucoup de gens, de femmes surtout, puisent leur force chez un autre être, c'est lui leur source vitale, non la vie elle-même. Situation fausse, défi à la nature. [...]

Il y a en moi un puits très profond. Et dans ce puits, il y a Dieu. Parfois je parviens à l'atteindre. Mais plus souvent, des pierres et des gravats obstruent ce puits, et Dieu est enseveli. Alors il faut le remettre au jour.
Il y a des gens, je suppose, qui prient les yeux levés vers le ciel. Ceux-là cherchent Dieu en dehors d'eux. Il en est d'autres qui penchent la tête et la cachent dans leurs mains, je pense que ceux-ci cherchent Dieu en eux mêmes. [... ]

Processus lent et douloureux que cette naissance à une véritable indépendance intérieure. Certitude de plus en plus ferme de ne devoir attendre des autres ni aide, ni soutien, ni refuge, jamais. Les autres sont aussi incertains, aussi faibles, aussi démunis que toi-même. Tu devras toujours être la plus forte. Je ne crois pas qu'il soit dans ta nature de trouver auprès d'un autre les réponses à tes questions. Tu seras toujours renvoyée à toi-même. Il n'y a rien d'autre. Le reste est fiction. Mais c'est dur d'être ramenée sans cesse à cette vérité. Surtout en tant que femme. Quelque chose te poussera toujours à te perdre dans un autre, dans « l'être unique ». Encore une fiction - une belle fiction, certes. Deux vies ne sauraient coïncider. Pour moi, en tout cas. Tout au plus connait-on quelques moments de communion. Mais ces moments justifient-ils une association pour la vie ? Suffisent-ils à cimenter une vie commune ? Il y a aussi, tout de même, un sentiment fort. Et parfois heureux. Seule. Mon Dieu. Mais dure. Car le monde reste inhospitalier. Mon coeur est plein de passion, mais jamais pour un seul être. Pour tous. C'est un coeur très riche, semble-t-il. Autrefois je me voyais donnant ce coeur, un jour, à une seule personne. Mais c'est irréel. Et lorsqu'on découvre à vingt-sept ans des « vérités » aussi dures, cela vous remplit parfois de désespoir, de solitude et d'angoisse, mais vous donne aussi un sentiment d'indépendance et de fierté. Je suis confiée à ma seule garde et devrai me suffire à moi-même. L'unique critère dont on dispose, c'est soi même. Je ne cesse de le répéter. Et l'unique responsabilité dont tu pourras te charger dans cette vie, c'est celle de ta personne mais alors il faudra le faire pleinement. [... ]

Quelque chose est en train de se passer en moi, et j'ignore s'il s'agit d'un simple changement d'humeur ou d'une mutation essentielle. On dirait que d'un seul coup j'ai retrouvé une base solide. J'ai acquis un peu plus d'autonomie et d'indépendance. (...)


(...)


Que les difficultés sont encore à venir, même si je crois en avoir affronté déjà un bon nombre. Je vais étudier, tâcher de pénétrer en profondeur la réalité, mais (J'y vois un devoir) je me laisserai égarer, détourner en apparence de ma voie, par tout ce qui fondra sur moi : à force de le faire, j'acquerrai à la longue des certitudes de plus en plus solides. Jusqu'au jour où plus rien ne pourra me troubler, où j'aurai développé un très grand équilibre, assez solide pour me permettre d'évoluer dans toutes les directions. J'ignore si je suis capable d'une grande et bonne amitié. Et si ce n'est pas dans ma nature, voilà une vérité à regarder en face. En tout cas, ne jamais s'abuser soi-même sur quoi que ce soit. Et savoir garder la mesure. Et ta seule mesure, c'est toi-même. J'ai l'impression, jour après jour, d'être mise à fondre dans un grand creuset, et pourtant d'en ressortir à chaque fois.
Il est des moments où je pense : ma vie va complètement de travers, j'ai commis une faute quelque part, mais cela n'est vrai que si l'on a en tête un modèle de vie particulier, en comparaison duquel la vie réelle, celle que l'on mène, paraît fautive. [... ]

Prise de conscience, et par là libération, des forces profondes qui étaient en moi. Moi aussi, avant, j'étais de ceux qui se disent de temps à autre : « Au fond, je suis croyante. » Et maintenant je sens la nécessité de m'agenouiller soudain au pied de mon lit, même dans le froid d'une nuit d'hiver. Être à l'écoute de soi-même. Se laisser guider, non plus par les incitations du monde extérieur, mais par une urgence intérieure. Et ce n'est qu'un début. Je le sais. Mais les premiers balbutiements sont passés, les fondements sont jetés. [... ]

 [... ]

Il est tout de même réconfortant de penser que de tels moments sont possibles dans ce monde déchiré. Et il y a peut-être bien plus de choses possibles que nous ne voulons nous l'avouer. Qu'on puisse retrouver ainsi un amour de jeunesse en jetant un regard souriant sur le passé. Une réconciliation avec le passé. C'est ce que j'ai éprouvé. C'est moi qui donnais le ton ce soir, Max me suivait - et c'était déjà beaucoup.
On ne peut donc plus dire que tout est hasard, émaillé çà et là d'une amourette ou d'une aventure captivante. On a peu à peu le sentiment d'un destin où les faits s'organisent l'un après l'autre en une série significative. Quand je nous revois marchant dans la ville obscure, mûris et attendris par notre passé, sûrs d'avoir encore beaucoup à nous dire mais laissant dans le vague la date de notre prochaine rencontre (dans quelques années peut-être ?), la possibilité de tels moments dans une vie m'emplit de grave et profonde gratitude. Il est près de minuit et je vais me coucher. Oui, c'était très beau. A la fin de chaque jour, j'ai envie de dire : tout de même, la vie est très belle. Oui, je suis en train de me faire une opinion personnelle sur cette vie, et même une opinion que je me sens capable de défendre face à d'autres gens, et ce n'est pas peu dire pour la fille timide que j'ai toujours été. Et il y a des conversations comme celle d'hier soir avec Jan Polak, où la parole devient un témoignage. [... ]

 

De minute en minute, de plus en plus de souhaits, de désirs, de liens affectifs se détachent de moi ; je suis prête à tout accepter, tout lieu de la terre où il plaira à Dieu de m'envoyer, prête aussi à témoigner à travers toutes les situations et jusqu'à la mort, de la beauté et du sens de cette vie: si elle est devenue ce qu'elle est, ce n'est pas le fait de Dieu mais le nôtre. Nous avons reçu en partage toutes les possibilités d'épanouissement, mais n'avons pas encore appris à exploiter ces possibilités. On dirait qu'à chaque instant des fardeaux de plus en plus nombreux tombent de mes épaules, que toutes les frontières séparant aujourd'hui hommes et peuples s'effacent devant moi, on dirait parfois que la vie m'est devenue transparente, et le coeur humain aussi ; je vois, je vois et je comprends sans cesse plus de choses, je sens une paix intérieure grandissante et j'ai une confiance en Dieu dont l'approfondissement rapide, au début, m'effrayait presque, mais qui fait de plus en plus partie de moi-même. Et maintenant, au travail. [... ]

Et si Dieu cesse de m'aider, ce sera à moi d'aider Dieu. Peu à peu toute la surface de la terre ne sera plus qu'un immense camp et personne ou presque ne pourra demeurer en dehors. [... ]

Quand on projette d'avance son inquiétude sur toutes sortes de choses à venir, on empêche celles-ci de se développer organiquement. J'ai en moi une immense confiance. Non pas la certitude de voir la vie extérieure tourner bien pour moi, mais celle de continuer à accepter la vie et à la trouver bonne, même dans les pires moments. Quand on projette d'avance son inquiétude sur toutes sortes de choses à venir, on empêche celles-ci de se développer organiquement. J'ai en moi une immense confiance. Non pas la certitude de voir la vie extérieure tourner bien pour moi, mais celle de continuer. [... ]

(...)

Je ne manque pas de force pour affronter la grande souffrance, la souffrance héroïque, mon Dieu, je crains plutôt les mille petits soucis quotidiens qui vous assaillent parfois comme une vermine mordante. Enfin, je me gratte désespérément et me dis chaque jour : encore une journée sans problèmes, les murs protecteurs d'une maison accueillante glissent autour de tes épaules comme un vêtement familier, longtemps porté ; ton couvert est mis pour aujourd'hui et les draps blancs et les couvertures douillettes de ton lit t'attendent pour une nuit de plus, tu n'as donc aucune excuse à gaspiller le moindre atome d'énergie à ces petits soucis matériels. Utilise à bon escient chaque minute de ce jour, fais-en une journée fructueuse, une forte pierre dans les fondations où s'appuieront les jours de misère et d'angoisse qui nous attendent. 

(...)


Maintenant je vais me consacrer à cette journée. Je vais me répandre parmi les hommes aujourd'hui et les rumeurs mauvaises, les menaces m'assailliront comme autant de soldats ennemis une forteresse imprenable. [... ]

Et quand on a commencé à faire route avec Dieu, on poursuit tout simplement son chemin, la vie n'est plus qu'une longue marche – sentiment étrange. [... ]

Je suis un chemin et me sens guidée au long de ce chemin. Je retrouve toujours mes souvenirs et sais dès lors mieux que jamais comment agir. Où plutôt je sais que devant toute situation je saurai comment agir.
« Amour, je veux continuer à prier »
Je l'aime tant.
Je me demande une fois de plus aujourd'hui s'il ne serait pas plus facile de prier de loin pour quelqu'un en continuant à vivre avec lui intérieurement que de le voir souffrir à ses côtés. Advienne que pourra - je ne cours qu'un risque : que mon coeur ne résiste pas à mon amour pour lui.
Je voudrais lire encore un peu.
Quand je prie, je ne prie jamais pour moi, toujours pour d'autres, ou bien je poursuis un dialogue extravagant, infantile ou terriblement grave avec ce qu'il y a de plus profond en moi et que pour plus de commodité j'appelle Dieu. Prier pour demander quelque chose pour soi-même me paraît tellement puéril. Pourtant je lui demanderai, demain, s'il lui arrive de prier pour lui-même ; en ce cas je le ferai aussi pour moi, malgré tout. Je trouve non moins puéril de prier pour un autre en demandant que tout aille bien pour lui : tout au plus peut-on demander qu'il ait la force de supporter les épreuves. Et en priant pour quelqu'un, on lui transmet un peu de sa propre force. [... ]

Mon Dieu, cette époque est trop dure pour des êtres fragiles comme moi. Après elle, je le sais, viendra une autre époque beaucoup plus humaine. J'aimerais tant survivre pour transmettre à cette nouvelle époque toute l'humanité que j'ai préservée en moi malgré les faits dont je suis témoin chaque jour. C'est aussi notre seul moyen de préparer les temps nouveaux : les préparer déjà en nous. Je suis intérieurement si légère, si parfaitement exempte de rancoeur, j'ai tant de force et d'amour en moi. J'aimerais tant vivre, contribuer à préparer les temps nouveaux, leur transmettre cette part indestructible de moi même ; car ils viendront, certainement. Ne se lèvent-ils pas déjà en moi jour après jour ? [... ]

Toi qui prétends croire en Dieu, sois un peu logique, abandonne- toi à sa volonté et aie confiance. Tu n'as donc plus le droit de t'inquiéter du lendemain. [... ]

En moi un immense silence, qui ne cesse de croître. Tout autour, un flux de paroles qui vous épuisent parce qu'elles n'expriment rien.
Il faut être toujours plus économe de paroles insignifiantes pour trouver les quelques mots dont on a besoin. Le silence doit nourrir de nouvelles possibilités d'expression. [... ]

A chaque instant de sa vie, il faut être prêt à une révision déchirante et à un nouveau départ dans un cadre entièrement différent. [... ]

[... ]

Il faut apprendre à vivre avec soi-même comme avec une foule de gens. On découvre alors en soi tous les bons et les mauvais côtés de l'humanité. Il faut d'abord apprendre à se pardonner ses défauts si l'on veut pardonner aux autres. C'est peut-être l'un des apprentissages les plus difficiles pour un être humain, je le constate bien souvent chez les autres (et autrefois je pouvais l'observer sur moi-même aussi, mais plus maintenant), que celui du pardon de ses propres, erreurs, de ses propres fautes. La condition première en est de pouvoir accepter, et accepter généreusement, le fait même de commettre des fautes et des erreurs. [... ]

J'ai écrit un jour dans un de mes cahiers: je voudrais suivre du bout des doigts les contours de notre temps. J'étais assise à mon bureau et ne savais comment approcher la vie. C'était parce que je n'avais pas encore accédé à la vie qui était en moi. C'est à ce bureau que j'ai appris à rejoindre la vie que je portais en moi. Puis j'ai été jetée sans transition dans un foyer de souffrance humaine, sur l'un des nombreux petits fronts ouverts à travers toute l'Europe. Et là, j'ai fait soudain l'expérience suivante : en déchiffrant les visages, en déchiffrant des milliers de gestes, de petites phrases, de récits, je me suis mise à lire le message de notre époque - et un message qui en même temps la dépasse. Ayant appris à lire en moi-même, je me suis avisée que je pouvais lire aussi dans les autres. Là-bas j'ai vraiment eu l'impression de suivre à tâtons, d'un doigt sensible aux moindres aspérités, les contours de ce temps et de cette vie. Comment se fait-il que ce petit bout de lande enclos de barbelés, traversé de destinées et de souffrances humaines qui viennent s'y échouer en vagues successives, ait laissé dans ma mémoire une image presque suave ? Comment se fait-il que mon esprit, loin de s'y assombrir, y ait été comme éclairé et illuminé ? J'y ai lu un fragment de ce temps qui ne me parait pas dépourvu de sens. A ce bureau, au milieu de mes écrivains, de mes poètes et de mes fleurs, j'ai tant aimé la vie. Et là-bas, au milieu de baraques peuplées de gens traqués et persécutés, j'ai trouvé la confirmation de mon amour de cette vie. Ma vie, dans ces baraques à courants d'air, ne s'opposait en rien à celle que j'avais menée dans cette pièce calme et protégée. A aucun moment je ne me suis sentie coupée d'une vie qu'on prétendait révolue : tout se fondait en une grande continuité de sens. Comment ferai-je pour décrire tout cela ? Pour faire sentir à d'autres comme la vie est belle, comme elle mérite d'être vécue et comme elle est juste - oui : juste. 

Notre unique obligation morale, c'est défricher en nous-même de vastes clairières de paix et de les étendre de proche en proche, jusqu'à ce que cette paix irradie vers les autres. Et plus il y a de paix dans les êtres, plus il y en aura aussi dans ce monde en ébullition. [... ]

Ne pourrait- on apprendre aux gens qu'il est possible de « travailler » à sa vie intérieure, à la reconquête de la paix en soi. De continuer à avoir une vie intérieure productive et confiante, par-dessus la tête -si j'ose dire- des angoisses et des rumeurs qui vous assaillent ? Ne pourrait on leur apprendre que l'on peut se contraindre à s'agenouiller dans le coin le plus reculé et le plus paisible de son moi profond et persister jusqu'à sentir au-dessus de soi le ciel s'éclairer- rien de plus, rien de moins. [... ]

Porter des fruits et des fleurs sur chaque arpent où l'on a été planté, ne serai-ce pas notre finalité ? Et ne devons nous pas aider à sa réalisation ? [... ]

Donne-moi chaque jour une petite ligne de poésie, mon Dieu, et si jamais je suis empêchée de la noter, n'ayant ni papier ni lumière, je la murmurerai le soir à ton vaste ciel. Mais envoie-moi de temps en temps une petite ligne de poésie. [... ]

 

 

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